La matinale dédiée à l’actualité de la création contemporaine, tous les mercredis de 9:15 à 10:00 en direct sur *Duuu Radio.
Avec ce mois-ci : Justin Morin, Pascal Montfort et Julie Duval (accompagnée Juliette Bayi).
Ça me plaît que le drame soit annoncé d’emblée.
C’est à l’automne dernier que je suis allée voir l’exposition d’Harilay Rabenjamina à Goswell Road. Je connaissais très peu son travail, j’avais seulement assisté à une de ses performances à Lafayette Anticipations en 2018 qui jonglait déjà entre humour et tragédie.
Je me suis assise sur un bloc d’argile posé sur la moquette violette et j’ai visionné son film, Le nez de ma mère. Je crois surtout avoir été très touchée par la narration, la structure du film et cette façon de produire des mouvements à contresens : si l’on y voit d’abord à l’image une déambulation joyeuse et innocente, celle-ci est simultanément doublée d’un témoignage à la fois profond et apaisé, incarné par deux voix extradiégétiques. Harilay Rabenjamina a cette façon très prudente de raconter sa propre histoire et d’en dévoiler pudiquement l’intimité. Nous en avons discuté une trentaine de minutes dans une salle de la Maison Pop où il a été en résidence. S’en est suivi un échange sur la rhinoplastie de sa soeur, celle de sa mère, sur le clip musical comme l’endroit de la performance, du déguisement comme artefact offrant la capacité à habiter plusieurs mondes et de développement personnel pour finir au soleil, m’exposer un peu plus au soleil…
Juliette Hage
dans la surface est une émission radiophonique proposée par Juliette Hage pour *Duuu dont l’objectif n’est pas de rester à la surface mais, au contraire, de prendre le temps d’aller à l’intérieur de celle-ci. dans la surface propose de ralentir le temps, un instant, pour prendre le pouls d’un·e jeune artiste, faire émerger sa pratique à travers une oeuvre précise, une exposition ou lors d’une visite d’atelier
— là où il y a matière.
Réalisation : Juliette Hage
Montage : Paul Castillon
Jingle : Valentin Fleury
Je me suis radicalisé dans le sens où, à ce moment-là, c’était inenvisageable que je fasse autre chose que créer.
Brétigny-sur-Orge, 2021, plein soleil, plein été. C’est les vacances. Il reste quelques personnes qui errent sur le terrain de football. C’est dans ce contexte que l’artiste Safouane Ben Slama a commencé sa résidence au Centre d’art contemporain de Brétigny, invité par la commissaire d’exposition Camille Martin. Il est allé chercher celles et ceux qui habitent ce réel-là, il les a photographié·es dans la rue, dans le train, assis·es sur des marches, en étant toujours à la recherche de ce qu’il y a en eux·elles de tendre. C’est comme une direction qu’il a choisie, celle de la tendresse, de la main posée délicatement sur l’épaule, du contact timide et prudent d’un corps à un autre. Je ne peux pas m’empêcher de penser à Alice Diop, à son film Vers la tendresse. Je pense aussi à Louisa Yousfi et à son essai Rester Barbare. Nous en avons déjà parlé ensemble, Safouane et moi. Je sais que c’est un texte qui l’a marqué. Car c’est peut-être de cette barbarie dont il est question dans son travail. Pas celle que l’on voit dans les journaux ou à la télévision. Il s’agit ici de cette barbarie intime et vitale, ce petit feu à l’intérieur de nous, ce foyer silencieux et nécessaire qui semble dire : « C’est la friche en nous. Notre terre vierge. » (1). Celui-là même dont il ne faudrait garder que les braises pour que l’incendie ne prenne pas, la prochaine fois (2), comme le présageait James Baldwin et le rappelle savamment Louisa Yousfi.
Nous nous sommes rencontrés tous les deux plusieurs fois. Le 8 juin 2022, dans un coin du Centre d’art contemporain de Brétigny-sur-Orge, nous avons parlé de son travail, de sa résidence au CAC, de fratries, de sororités et d’amour révolutionnaire.
Juliette Hage
(1) Louisa Yousfi, Rester Barbare, édition La fabrique, p. 21 (2022)
(2) James Baldwin, La prochaine fois, le feu (1963)
dans la surface est une émission radiophonique proposée par Juliette Hage pour *Duuu dont l’objectif n’est pas de rester à la surface mais, au contraire, de prendre le temps d’aller à l’intérieur de celle-ci. dans la surface propose de ralentir le temps, un instant, pour prendre le pouls d’un·e jeune artiste, faire émerger sa pratique à travers une oeuvre précise, une exposition ou lors d’une visite d’atelier
— là où il y a matière.
Réalisation : Juliette Hage
Montage : Paul Castillon
Jingle : Valentin Fleury